Saturday, February 17, 2007

Mardi 6 février
De grâce, lorsque le lecteur ou la lectrice aura fini de prendre connaissance de ce message il ou elle est prié(e) de ne pas tirer des conclusions trop hâtives quant à la santé d'esprit de son auteur tant il est vrai que plume elle-même ne parvient pas encore à réaliser ce qu'elle est chargée par son maître de raconter ici...
La scène se déroule voici comment.
L'auteur de cette missive, sobre, froid quoique possédé par l'intense joie de vivre, est en train d'écrire quelques vers à son bureau-chevalet tout en écoutant d'une oreille parallèle les sons tantôt hard tantôt soft sortant du saxo de Charley "Bird" Parker. C'est la troisième heure du soir, sa muse aux yeux de lys est en bas un livre en main allongée sur le canapé, la nuit est déjà tombée, il fait doux, la fenêtre est ouverte, un cigare brûle. Contre le mur à droite, une peinture, terminée, est en train de sécher : "Couple de phénix sur une branche de cerisier dans un paysage chinois".
Zoom
Tout en notant sa bouffée de poésie (un truc sur le Hollandais volant) et tandis qu'il jette de temps en temps un coup d'oeil oblique sur ce paysage chinois, histoire de trouver d'éventuelles améliorations, il s'aperçoit que les ailes à peine séchées des deux petites boules de duvet se mettent à vibrer - et devant ses yeux ébahis, éblouis, il voit le couple (jaune, rose et éméraude, le mâle avec une huppe bleue) battre les ailes, s'envoler du tableau, faire quelques tours, se poser adroitement devant lui sur le bord du bureau - et plus frapadingue encore, le mâle ouvrir son bec et dire d'une voix aussi irrésistible que malicieuse :
- Qu'écrivez-vous donc ô créateur de ma forme, couleurs et belle huppe ?
Et mon maître, jouant le jeu, fondamentalement disponible pour tous les possibles, surtout les plus impossibles, de répondre sans hésiter :

- Un poème sur le Hollandais volant... Quelqu'un devrait quand même noter ce que ce marsouin des mers polaires a pu vivre tout au long des siècles où il va cinglant les sept océans ! J'ai sept strophes prêtes. D'ailleurs, toute l'épopée se résume en ces sept strophes. Voulez-vous écouter ?
- Avec grand plaisir ! s'empressent de répondre les piafs facétieux.
- Bien :

Il serait intéressant
de faire parler dans un long poème
le Hollandais volant

Quels seraient ses thèmes ?
Qu'a-t-il vu de l'autre côté
des océans et du temps ?

Mais il n'ouvrira sa bouche salée
non pas pour les ex-humains
que pour le Juif errant

A lui il consentira à raconter sans frein
tout ce qu'il y a vu d'incroyable
ah ! quelle épopée ! un épais roman

"Les cités dorées perdues dans le sable
tressaillent au coeur des fontaines
m'ont imploré : rendez-nous notre temps"

il dira, sans haine
l'épreuve est finie
à nouveau le Hollandais volant est captif du temps

non seulement lui
mais Ahasverus, le Juif errant
lui aussi tout autant

- Saperlipopette ! s'exclame la femelle en battant ses mignonnes petites ailes - puis les deux boules multicolores pftt ! s'envolent par la fenêtre ouverte pour disparaître dans le grand espace ouvert.

Et en effet, les deux volatiles manquent là, sur la branche du cerisier... S'agit-il d'une hallucination ? Est-ce que les anges lui jouent un tour ? Est-ce que soudain les bornes & limites physiques s'entremêlent, la réalité est-elle devenue une fantaisie enchantée, une féerie actionnée ? Une nouvelle dimension se met-elle en place, ici ?

Très probablement, car le lendemain matin les deux petites bêtes se balançaient à nouveau sur leur branche de cerisier favorite comme si de rien n'était...
Le mâle répond au nom de Tonnerre Volant ; la femelle s'appelle Petit Trésor. Méfiez-vous : elles pouraient repartir et quitter votre écran d'un coup d'aile...
Conclusion : les miracles, alléluia, n'ont pas encore déserté ce bas monde.
Avis aux pessimistes !


Labels:

0 Comments:

Post a Comment

<< Home